Guinée équatoriale : il y a 45 ans, s’écroulait la plus sanguinaire des dictatures bananières que l’Afrique ait connues.
Enfer dans la jungle (équatoriale).
Comment Macias Nguema Biyoghe Nyngone, leader nationaliste déterminé de Guinée équatoriale, au pouvoir à Malabo, de 1968 à août 1979, féru d'authenticité africaine, percuta et devint un tueur fou, sacrifiant son peuple, avant d'être déposé et ... exécuté en 1979.
Une enquête de Noël N. NGABISSIO
Comment en était-t-on arrivé là ? Macias Nguema Biyoghe Nyngone : un leader nationaliste populaire, s'est transformé en monstre paranoïaque, qui faillit exterminer purement et simplement la malheureuse population de son petit pays. Voici le récit de cette tragédie et de la triste fin en septembre 1979 de ce dirigeant impitoyable avec son peuple, prédateur fou d' un tout-petit pays forestier d'Afrique centrale.
Le Dictateur fou de Guinée Equatoriale Macias Nguema en 1969 L'homme avait carrément "vrillé" après la tentative de coup d'état fomentée par son Ministre des Affaires Etrangères, à l'initiative de l'ancien colonisateur, l'Espagne franquiste. Tentative à laquelle "Macias" avait miraculeusement échappé. De l'Autonomie à l'Indépendance, 1964-1968...Après la Première Guerre, en 1926, l’Espagne rassemble "ses" territoires coloniaux d’Afrique au Sud du Sahara sous la bannière de "Colonie de Guinée équatoriale". Les petits royaumes tribaux locaux (bubi, Bissio ou Ngoumba, Batanga...) disparaissent, tandis que l'Administration coloniale renforce son autorité. Madrid n'accorde pas vraiment beaucoup d'intérêt à ses possessions africaines autant que la plupart des puissances coloniales européennes (Grande-Bretagne, France, Allemagne). Elle développe par contre la prédation et le pillage des richesses locales et exploite de vastes plantations de cacao et café - notamment sur l'île Bioko, des fincas dans lesquelles travaillent de nombreux ouvriers agricoles, des émigrés nigérians pour la plupart et quelques saisonniers camerounais.
En 1959, sous la pression indépendantiste qui vivifie le Continent africain tout entier et celle des Nations-Unies, ces colonies du Golfe de Guinée sont « promues » au rang de « Provinces espagnoles d’Outre-Mer » pour couper l’herbe sous les pieds à des Nationalistes locaux comme Bonifacio Ondo Edu, Atanasio Ndong Miyone, … Le Régime d’Indigénat : (travail forcé non payé, sanctions corporelles, coups de fouet appelés coups de chicote, etc), est enfin supprimé ! (15 ans après que le Général De Gaulle, dans son fameux Discours de Brazzaville, début 1944, en ait décidé la suppression dans les colonies françaises voisines d’Afrique Noire) ! Sans doute en vue de neutraliser, voire stopper les revendications indépendantistes et nationalistes qui gagnent du terrain. Inspirées essentiellement de ce qui se passe dans le Protectorat "sous tutelle française" du Cameroun voisin où l’UPC de Ruben Oum Nyobé, Félix Moumié, René Ngouo Woungly-Massaga et Ernest Ouandié, etc, mène la vie dure aux troupes françaises du célèbre Gouverneur Pierre Messmer, dans les maquis de l'Ouest et du Littoral. Ainsi que dans les colonies britanniques de Gold Coast (actuel Ghana) avec Francis Nwia Koffie dit Kwamé Nkrumah et du Nigéria avec Tafawa Balewa. Et, aussi, en Afrique Orientale (Kenya, Tanganiyika, Ouganda, les deux Rhodésie et le Nyassaland) et bien sûr en Afrique du Sud où un certain Nelson Mandela conduit depuis 1954 une guérilla pour l'Indépendance, face à une petite minorité de Blancs accrochée de l’Apartheid.
Le 30 juillet 1959, nouveau changement de statut. Les « Provinces espagnoles d’Outre-Mer » deviennent la « Région équatoriale espagnole », comprenant deux provinces Fernando Po'o (l’île de 2 017 km2 située à 32 km des côtes camerounaises) et le Rio Muni, partie continentale de 26 017 Km2 qui jouxte le Sud du Cameroun et l'Est du Gabon. Ce changement annonce la période dite d’Autonomie de cinq ans qui sera déclarée à partir de 1963, après référendum.
Période d'Autonomie qui sera conduite par le Premier Ministre autochtone, Bonifacio Ondo Edu, mais qui retarde inutilement l’Indépendance dont l’avènement interviendra le 12 octobre 1968 après la Conférence constitutionnelle exigée par la IV eme Commission de l’Onu et tenue en 1967 à Madrid.
Une vue de MALABO, la Capitale, que Macias va déserter après le coup d'état pour s'installer à Bata, principale ville de la partie continentale du pays, proche de son village de Nzang-Ayong, cercle de Mongomo où il va tout simplement se bunkériser.Avant la Déclaration d'Indépendance le 12 octobre 1968, des élections générales (présidentielles et Législatives) se tiennent le 22 septembre 1968, sous l'égides des Autorités espagnoles. Peu connu, un certain Macias Nguema Biyoghe Nyngone, interprète et modeste fonctionnaire de Justice, fondateur du parti Idea Popular de Guinea Ecuatorial (IPGE) et partisan de "l'authenticité africaine", figure parmi les candidats, face au poids lourd, Bonifacio Ondo Edu, Premier Ministre. Celui-ci est un enseignant catholique respecté, à Santa-Isabel, la capitale (qui deviendra bientôt Malabo). Ancien catéchiste, proche des Religieux et du Régime de Madrid, l'homme qui a conduit le pays, sur proposition de Carrero Blanco lui-même, durant l'Autonomie de 1964 à 1968, est très apprécié des Espagnols qui espèrent plus qu'une coopération étroite post-Indépendance. Ils pensent carrément à une "indépendance" qui leur laisserait la haute main sur la Sécurité, l'Armée et l'Economie cacaoyère très prospère et aux mains des colons Blancs uniquement. Respecté par les populations, Ondo Edu est évidemment le favori de ces présidentielles et il ne fait pratiquement pas campagne, laissant la main pour cela à ses conseillers espagnols. Le parti qu'il dirige est le Movimiento de Unidad nacional de Guinea Ecuatorial (Munge). Autres candidats : Atanasio Ndong Miyone, leader du Movimiento nacional de Liberacion de GE (Monalige), et enfin Edmundo Bossio Dioko, chef de la Union Bubi, et parti favori sur l'Ile de Fernando Poo dont la population "autochtone" est le peuple Bubi.
Ondo Edu et Macias Nguema accèdent au second tour. Le premier, sûr de sa victoire, refuse de négocier, donc de faire alliance avec Bosio Dioko et Ndong Miyone, l'intellectuel du pays rentré d'exil en Algérie. Macias Nguema qui est sponsorisé par Garcia Trevijano, un puissant avocat madrilène, va donc bénéficier du report des voix de ceux-ci et est élu Président de la République haut la main, avec une participation totale de 62,8% des inscrits.
Après son succès inespéré, Macias Nguema compose son gouvernement et veut naturellement s'imposer comme le nouveau vrai Chef du pays à la place de l'ex-Président du gouvernement autonome et des colons Espagnols qui tiennent l'économie basée sur l'exportation du cacao. Il nomme Edmundo Bossio Dioko à la Vice-Présidence de la République et au Ministère des Affaires Etrangères Atanasio Ndong Miyone, intellectuel et grand ami du ministre ... espagnol des Affaires Etrangères Fernando Maria Castiella. Le nouveau Chef de l'Etat Macias Nguema prône "l'authenticité" africaine dans la conduite de l'Etat et se montre peu "disposé" à l'égard du régime franquiste de Madrid. Notamment le Vice-Président du Conseil Luis Carrero Blanco, qui a soutenu visiblement son adversaire du second tour des présidentielles. Les mauvaises relations vont rapidement se tendre, se cristalliser et provoquer une crise avec l'ancien colonisateur. Une crise née de l'Affaire dite "des Drapeaux". En visite à Bata, Macias Nguema qui réside à la Capitale Fernando Poo qui deviendra bientôt Malabo, note que le Consulat d'Espagne dans cette ville économique est truffé d'un nombre impressionnant de drapeaux espagnols, beaucoup plus que tous les autres consulats accrédités au pays. Il demande que ce nombre soit réduit. Le Consul refuse et demande à son Ambassadeur à Malabo, qui non seulement refuse lui aussi, mais en plus envoie une partie des troupes espagnoles stationnées à Bata pour le maintien des pavillons... Il faut noter que le nouvel Etat indépendant n'a ni Armée nationale ni une Administration autonome sérieuse : ce sont les Espagnols qui assurent l'ordre et, pratiquement, "gèrent" encore le pays. A partir de cette "affaire des Drapeaux", les relations entre Macias Nguema et le gouvernement de Madrid vont se tendre. De plus en plus. Avant de prendre carrément le virage de l'hostilité. Macias va se tourner vers les pays communistes, notamment l'Union Soviétique et Cuba pour former un embryon de Garde nationale et vers les pays africains indépendants pour une aide économique et financière, notamment vers l'Algérie de Boumédiène ...
Peu à peu les colons espagnols locaux vont se sentir en danger avec les diatribes anti-colonialistes de Macias et ils commencent à quitter l'ex-colonie, surtout les grands planteurs de cacao qui tiennent réellement l'économie guinéenne. Les anciens maîtres ont alors la "bonne" idée d'envisager le renversement pur et simple Macias Nguema et confier la gestion du pays à Atanasio Ndong Miyone qui leur paraît un homme plus policé, cultivé, plus fréquentable.
Ainsi, de retour de la Conférence de l'Oua à Addis-Abéba, Ndong Miyone passe par Madrid où il rencontre secrètement "son ami" Fernando Maria Castiella, ministre des Affaires Etrangères. Les modalités du renversement de Macias Nguema sont arrêtées et fignolées... Ce sera rapide et simple, vu qu'il n'a pas d'armée. Rentré au pays, Ndong Miyone tente le 05 mars 1969 "son coup d'état" à la Présidence de Bata où loge le nouveau Président de la République qui n'est pas à la Capitale à Santa-Isabel (la ville-capitale deviendra Malabo en 1973). Le coup d'état va échouer lamentablement. Il y a quelques gardes tués, mais Macias n'est pas présent au Palais de Bata et l'affaire rate totalement... Le coup d'état fait plouf. Macias avait-il été prévenu par un indic ami ? Cinq mois seulement après l'Indépendance, le Ministre Atanasio Ndong Miyone, fauteur du coup trouve la mort dans sa propre tentative. Il sera défenestré et tué.
Cette date du 05 mars 1969 marque le début d'une effroyable tragédie pour la classe politique du pays qui va être traquée et pratiquement liquidée et la population toute entière livrée à la vindicte d'un Chef d'Etat blessé et humilié par les "intellectuels" (nourris aux idées occidentales et collaborationnistes) et les ennemis de la Nation qu'il va inlassablement traquer, où qu'ils se cachent, dans la population, dans les villes, les villages et les forêts.
La descente aux enfers ...
Le second des traîtres, après Ndong Miyone, n'est autre que son concurrent du second tour des élections présidentielles, Bonifacio Ondo Edu. Plus ou moins inquiet de la tournure que prenait la gouvernance de Macias, il avait auparavant quitté le pays début 1969 pour se réfugier au Gabon où Albert-Bernard Omar Bongo (qui deviendra Omar Bongo) vient de succéder en 1967 à feu Léon Mba avec "l'intronisation" des Français (sur la manoeuvre du célèbre Jacques Foccart, l'homme des Services secrets et des coups fourrés français en Afrique décolonisée des années 1958 à 1980). Mais en 1969, faisant confiance à Macias Nguema Biyoghe et surtout à son mentor français Jacques Foccart qui mène déjà une opération de séduction politique vers ce nouveau "pays africain indépendant" et son chef, le Gabonais Albert Bernard Bongo, qui n'est pas Fang comme son prédécesseur et a une mauvaise connaissance de cette grande ethnie qui peuple toute la Guinée équatoriale, le Sud-Cameroun et la moitié-nord du Gabon, extrade Ondo Edu vers son pays d'origine, avec la promesse qu'il ne sera pas attenté à sa vie... Mais les promesses n'engagent que ceux qui y croient. En avril 1969, Ondo Edu est tout simplement étranglé en prison sur ordre de ... Macias, soupçonné d'avoir eu vent du projet de tentative avortée de coup d'état fomenté par Atanasio Ndong Miyone, le Ministre des Affaires, le 05 mars 1969. On sait que le chef des Services secrets français Jacques Foccart était le grand "parrain", le sponsor au profit de la France, de la fameuse Guerre (pétrolière) sécessionniste du Biafra, la partie très riche en pétrole du Delta du Niger au sud-est du Nigéria, "une véritable éponge à pétrole"... guignée par les Français qui ont perdu le pétrole algérien du Sahara en 1962. Les armes envoyées plus ou moins clandestinement par Paris à la guérilla du général Robert Emeka Odumegwu Ojukwu, via la Côte d'Ivoire d'Houphouet-Boigny et le Gabon d'Omar Bongo, transitaient par la Guinée équatoriale de Macias Nguema qui prélevait au passage sa part. Donc Paris et le Gabon sous influence de Foccart ne pouvaient rien refuser à Macias. Ondo Edu a perdu la vie pour cela. Pour le pétrole du Biafra. Ah, le pétrole... du Nigéria.
Bonifacio Ondu Edu, Chef du Gouvernement autonome, assassiné par Macias Nguema 6 mois après l'Indépendance...! Mais c'est le début d'un nouveau chapitre de la vie et de l'évolution de la Guinée équatoriale, si tant est qu'on peut parler d'évolution. Il faudrait plutôt faire état de "régression".Victime d'une tentative de renversement, Macias Nguema est un lion blessé. Il pète carrément les plombs. Et n'hésite pas un seul instant. Il va prendre des décisions catégoriques et irréversibles. D'abord, il ne peut compter sur personne, entouré de ministres traîtres et félons, il va gouverner seul. Avec ceux de son clan Esengui (le grand groupe ethnique Fang-Béti comprend une multitude de sous-tribus (Ewondo, Eton, Nanga, Ntoumou, Okak, Mvae, ... divisées elles-mêmes en de nombreux clans comme les Esengui, les Oyek, etc....). C'est le pouvoir absolu où l’exécutif, le législatif et le judiciaire sont exercés par lui seul. Secundo, il va les traquer lui-même directement, les traîtres. Tercio il va quitter définitivement la Capitale et s'éloigner des grandes villes pour s'installer, lui-même et l'Etat avec lui, dans son village à Nzang-Ayong (littéralement Au milieu de la Tribu) où il sera toujours et complètement à l'abri. Enfin, il va se mettre sous la "protection des Ancêtres" : donc pratiquer les cultes et rites traditionnels, l'Authenticité avec des pratiques ancestrales comme l'ingestion d'Iboga, une plante (hallucinogène) qui permet "d'entrer en transe et en contact avec les Ancêtres". Si la pratique de l'Iboga a pratiquement disparue au Cameroun (Sud), ce n'est pas le cas au Gabon et surtout en Guinée Equatoriale où elle est encore aujourd'hui très répandue auprès des populations villageoises (voire urbaines), souvent en butte aux difficultés matérielles. Généralement l'iboga est prise lors de l'Initiation ou lors de cérémonies et réjouissances traditionnelles (Culte des Ancêtres comme le Bwiti au Gabon) en tant que pratique spirituelle. Mais, de plus en plus il remplace en ville les drogues dures et chères, notamment chez les Jeunes.
En Guinée Equatoriale donc Macias va donner l'exemple en prenant de l'Iboga et en en faisant de cette pratique une voie de retour vers "l'authenticité africaine" mise à mal par les Colonisateurs européens et leur "civilisation" de Blancs.
... cette enquête que vous lirez très prohainement. En attendant, soutenez et abonnez-vous.
Rédigé par Noël Ngouo NGABISSIO, Directeur de la Rédaction d'Afrique Horizon Pour votre abonnement et votre soutien, contactez directement notre service afrique.horizon21@gmail.com Votre publicité ici : contactez-nous directement afrique.horizon21@gmail.com